Mise en contexte
Le basketball en fauteuil est l’un des sports adaptés les plus populaires de nos jour. Dans cet environnement, les entraîneurs de cette discipline cherchent constamment à améliorer les compétences de chaque membre de l’équipe et l’équipe dans son ensemble. Comme pour le basketball classique, cette augmentation des performances se base sur l’endurance, la force, la vitesse, la coordination et la mobilité.
Or, la performance n’est pas le seul aspect à prendre en compte puisque les risques de blessures sont importants dans ce sport. Effectivement, bien que le basketball en fauteuil roulant présente des bénéfices pour la santé des joueurs, plus de 70 % des joueurs ont ressenti ou ressentent des douleurs aux épaules lors de leur pratique et ce, en partie dû à leur pratique. De plus, plusieurs blessures reviennent de façon récurrente au niveau des épaules, de la nuque, du dos, du poignet et des mains.
Notre équipe s’est penchée sur l’analyse de la performance et des risques de blessures à l’aide de la biomécanique, un domaine scientifique qui met en relation le mouvement et les forces causant ces mouvements. Notre analyse a été conduite en fonction d’une des spécificités de la discipline : le dribble. Une précédente étude a montré que les performances de mobilité des athlètes diminuent lors des phases de possession du ballon, ce qui inclue les phases de passes, de tirs, de dribbles et autres. Le dribble en lui-même reste peu étudié dans la littérature scientifique, bien qu’il soit une compétence essentielle du basketball en fauteuil roulant.
C’est en partant de ce constat que notre étude s’est intéressée à étudier l’impact du dribble sur la performance et les risques de blessures chez des basketteurs en fauteuil.
Protocole
Pour permettre de répondre à notre objectif, 10 basketteurs en fauteuil expérimentés ont participé à notre étude. Nos athlètes présentaient 7 hommes et 3 femmes d’une trentaine d’années présentant des déficiences différentes (dysplasie spastique, blessure médullaire, paralysie cérébrale, dystrophie musculaire et valide).
Après un échauffement libre de 5 min, ils ont réalisé 8 sprints en ligne droite de 9 m sur un terrain de basketball en parquet. Quatre sprints ont été réalisés en propulsion classique et quatre autres avec dribble vers l’avant. La consigne sur les sprints avec dribble était de réaliser le plus de dribble possible tout en étant le plus rapide possible.
Pour évaluer la performance et les risques de blessures chez ces athlètes, leurs fauteuils roulants personnels étaient équipés de deux roues instrumentées SmartWheel. Ces roues nous ont permis d’obtenir des paramètres suivants, qui sont représentatifs de la performance et des risques de blessures :
- Performance : la vitesse maximale et l’angle de poussée (cf Figure 1) (angle formé entre la main sur la main courante et le moyeu de la roue lors de la poussée).
Figure 1 : Illustration de l’angle de poussée
- Risques de blessures : le taux d’augmentation de la force totale (façon dont augmentent les forces produites par la main juste après le contact avec la main courante) et le temps de poussée.
Ces paramètres ont été choisis parmi plusieurs autres car ils présentent des bénéfices concrets pour les sportifs eux-mêmes. Effectivement, la vitesse maximale est une composante clef des capacités des sportifs, facilement interprétable et utilisable par les entraîneurs. De même, l’angle de poussée renvoie à l’efficacité de la propulsion du sportif et peut être modifié en agissant sur le mouvement de l’athlète. Le taux d’augmentation de la force est également primordial puisqu’il permet d’appréhender de quelle façon le pratiquant pose la main sur la main courante et ainsi, de comprendre les chocs subits par le poignet. Enfin, le temps de poussée est un paramètre temporel reflétant la cadence de poussée du sportif, liée aux risques de blessures.
Résultats
Notre étude a permis de mettre en évidence une réduction du taux d’augmentation de la force totale, de l’angle de poussée et de la vitesse maximale lors des sprints avec dribble, tandis qu’une augmentation du temps de poussée a été notée lors de la propulsion avec dribble.
La littérature scientifique a montré que les risques de blessures diminuent si le taux d’augmentation de la force diminue et que le temps de poussée augmente. En effet, si le sportif applique des forces de manière moins brutales sur la main courante et diminue le nombre de poussées lors de sprints, ses risques de blessures ne peuvent que diminuer. De même, une diminution de la vitesse et de l’angle de poussée est associée à une baisse de la performance puisque le sportif est moins rapide et réalise un geste plus court pour une même distance parcourue. Les résultats de notre étude suggèrent donc que si le niveau de performance des athlètes est réduit lors de la propulsion tout en dribblant, les sportifs s’adaptent à cette contrainte et modifient leurs mouvements. Ceci est considéré comme une adaptation bénéfique pour protéger l’intégrité neuromusculosquelettique du poignet et de l’épaule, en particulier le nerf médian, et ainsi réduire les risques de blessures. Nous pouvons donc en conclure que le dribble en fauteuil roulant n’est pas plus à risque que la propulsion classique en fauteuil roulant bien que les sportifs soient moins performants.
Conclusion
Étant donné que le basketball en fauteuil roulant est une source de douleur et de blessures d’usure, il est important que les équipes sportives soient conscientes de tout problème d’entraînement qui pourrait avoir un impact sur le risque de blessure. Par conséquent, l’ajout de sessions de dribble à l’entraînement classique semble être bénéfique étant donné l’importance de cette compétence. Effectivement, le sprint avec dribble est une compétence importante dans le basketball en fauteuil que l’on retrouve notamment lors des phases de contre-attaques.
ILONA ALBERCA
Ilona Alberca est une étudiante au doctorat à l’Université de Toulon (France), au département Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) spécialité Activité Physique Adaptée et Santé (APAS). En savoir plus.
Références
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